Emmanuel Macron a annoncé qu’il entendait réformer dès cet été le Code du travail en passant par la voie des ordonnances.
À ce sujet, l’opinion de Luc Bérille, secrétaire général de l’UNSA, parue dans le journal « La Croix », le 11/05/2017, a été recueillie par Emmanuelle Réju.
« Le recours aux ordonnances n’est pas, d’après nous, la méthode la plus adaptée pour légiférer, surtout quand il s’agit d’un sujet aussi sensible que la modification du Code du travail, qui met en jeu des questions d’équilibre et de justice.
Cette méthode a l’avantage, pour le gouvernement, de la rapidité. Mais elle a le gros inconvénient de court-circuiter le débat au parlement sur le contenu précis des textes et de raccourcir les phases de concertation…
Le gouvernement devra faire la preuve de sa volonté de dialogue
Ceci étant dit, le débat sur la forme n’est pas pour moi essentiel. La vraie question est de s’interroger d’abord sur la pertinence d’une nouvelle réforme du Code du travail. Faut-il vraiment apporter de nouvelles modifications au droit du travail, alors que nous sortons à peine de la loi El Khomri ? On ajoute des couches, on complexifie, sous couvert de simplification. D’autant qu’il reste à prouver que la réforme du marché du travail est vraiment la clé du retour à l’emploi.
Le gouvernement qui sortira des urnes après les législatives devra surtout faire la preuve de sa volonté de dialogue. Dans un processus législatif classique, nos interlocuteurs sont à la fois le gouvernement et les parlementaires. Dans le cas d’un recours aux ordonnances, notre seul interlocuteur pour faire valoir nos demandes est le gouvernement. Tout repose donc sur la volonté d’un seul acteur de pratiquer une réelle écoute.
Je ne fais pas de procès d’intention a priori. La méthode des ordonnances ne me paraît pas la plus pertinente, mais s’il faut en passer par là, je veux au moins avoir la garantie que le gouvernement pratiquera la concertation sur le contenu de sa réforme et que nous, partenaires sociaux, seront entendus. C’est dans son intérêt.
Une France déjà divisée
Le prochain gouvernement, quel qu’il soit, ne pourra pas faire l’impasse sur la situation politique et sociale d’un pays qui apparaît profondément divisé. Gouverner un tel pays implique de recourir pleinement au dialogue social. Utiliser des manières autoritaires serait une erreur politique fondamentale. Le dialogue social conditionne l’acceptabilité sociale des réformes. C’est un préalable indispensable dans la France divisée qui est sortie des urnes.
Le prochain gouvernement aura déjà contre lui des gens qui sont dans l’opposition systématique. Faudra-t-il qu’il se mette aussi à dos des gens prêts à discuter ?
À défaut d’une réelle concertation entre l’exécutif et les partenaires sociaux – qu’elle ait lieu ou non dans le cadre d’un recours aux ordonnances – le gouvernement risque de mettre en difficulté les syndicats réformistes comme l’UNSA et d’apporter de l’eau au moulin des contestataires. »